Lettre d´une dame de qualité (Paris, 1621)

© Sammlung PRISARD
© Sammlung PRISARD

Theologische Streitschrift (Paris, 1621)

 

(dr). In diesem anonymen Büchlein mit dem Titel "Brief einer zum katholischen Glauben konvertierten Edeldame an ihren Herrn Gemahl" richtet sich eine (vrmtl. imaginäre) Dame adliger Abstammung an ihren noch protestantischen Ehemann und legt ihm die Gründe dar, warum sie sich vom evangelischen Glauben ab- und dem Katholizismus zugewandt hat. Die Argumente sind theologischer Art und versuchen, die Überlegenheit der katholische Religion an deren hohem Alter, der vermeintlichen Wahrheit ihrer Grundlagen und der Heiligkeit ihrer Lehre aufzuzeigen. Die eigentliche Absicht der Streitschrift wird bereits in der einleitenden und von der Theologischen Fakultät in Paris erteilten Genehmigung (frz. Approbation) deutlich: Das Büchlein soll die Überlegenheit und Stärke der katholischen Doktrin erweisen und den Wahnsinn, die Irrlehre und die Minderwertigkeit der "Angeblich Reformierten Religion" aufzeigen.

Buchauszug

 

[2] APPROBATION


NOus soubsignez Docteurs en la sacrée Faculté de Theologie, certifions auoir leu vn petit Livret intitulé Lettre d´vne Dame de qualité conuertie à la Foy Catholique, addressée à Monsieur son Mary, & n´y auoir rien trouué qui ne fust conforme à la Doctrine Catholique, Apostolique & Romaine : ains au contraire l´auoir trouué tres-vtile à faire voir la fermeté de la doctrine Catholique, & la vanité de la Pretenduë Religion. Fait à Paris le 15. Feburier 1621.

DE RACONIS. BOVRET.

 

[3] LETTRE D´VNE DAME DE qualité, conuertie à la Foy Catholique, adressée à Monsieur son Mary.

 

MONSIEVR, Ie sçay bien que le suject de ma lettre vous sera d´abord aucunement estrange ; mail il le seroit dauantage, si quelqu´autre vous l´aprenoit que moy-mesme, puis que nos personnes & nos conditions estans vne mesme chose, il ne doit rien arriuer d´important à l´vn, que l´autre n´en ait les premieres nouuelles : Ie vous fais dōc ceste lettre pour vous dire cōme graces à Dieu i´ay quitté l´Eglise imaginaire, que les pretendus reformateurs disent auoir dressée de nouueau a , pour me ietter entre les bras de celle que IESVS-CHRIST a dressée luy-mesme il y a pres de seize cents ans, & auec laquelle il a esté & sera tousiours iusqu´à la fin du monde: b  Et dautant que ie preuois que vous me blasmerez de vous auoir celé mon desseing, & plus encores de l´auoir executé, ie vous veux rendre compte de l´vn & de l´autre, ainsi que ie le doibs, vous coninrant par la saincte amour que vous m´auez tousiours portée, par celle que vous portez à vous-mesmes, & plus fortement par celle que vous deuez à Dieu, de lire attentiuement & sans préoccupation ce qu´aydant Dieu ie vous vay descrire le plus naifuement & le plus briefue-

 

[4] ment qu´il me sera possible.
Pour le premier, il ne me sera pas malaisé de vous satisfaire, s´il vous plaist, de vous ressouuenir qu´ayant fait cognoistre à ma mereles doubtes que i´auois, il y a desia long-temps, elle vous en aduertit, & vous resolustes incontinent tous deux ensemble de m´oster tous les moyens que ie pouuois auoir de m´esclaircir auec les Catholiques : Vous estiez disie resolus de m´emmener hors de Paris dans peu de iours, & cependant m´auiez interdit la frequentation de tous ceux qui me pouuoient assister, & ce iusques à ma propre sœur. I´auois supplié ma mere le plus doucement que i´auois peu, de me faire voir vn Docteur Catholique auec vn Ministre en sa presence, ou ailleurs, où elle voudroit : mais au lieu de me donner ceste consolation spirituelle, si necessaire à mon ame, & si ardamment desirée de moi, ie fus menée seule au sieur de Relincour Ministre, qui ne me donna nulle satisfaction sur les questions que ie luy fis, & beaucoup moins voulut s´engager à soustenir en public ce qu´il me disoit en particulier. Ces peu charitables (& i´ose dire violentes procedures des Ministres) m´ont donc obligée à me faire instruire secrettement, puis qu´ouuertement ie ne le pouuois estre, & m´ont contrainte à vous taire par discretion & par necessité, ce que par deuoir & par amitié i´eusse bien fort desiré de vous dire.
Quant au deuxiesme poinct de ma lettre, qui est le plus important, & voire le tout, assauoir les raisons de ma conuersion, il y en a vne infinité que ie me reserue de vous dire à nostre premiere veuë, esperant que Dieu vous fera resoudre à les

 

[5] escouter; & cependant ie vous en donneray trois par auāce, qui moyē[ḗ?]nant sa grace vous ferōt voir tres-clairement que ie n´ay rien fait à la legere : La premiere est donc l´antiquité de la Religion Catholique : La seconde, la verité de ses fondements : Et la troisiesme la saincteté qu´elle enseigne, au lieu que la pretenduë est nouuelle, fondée sur le mensonge éuident, & ses principaux enseignements visiblement dirigez à l´impieté.
Ie vous rapporteray les preuues qu´on m´a données de ces trois veritez (ou du moins vne bonne partie) le plus naifuement qu´il me sera possible, attendant de vous les faire confirmer de viue vois en la presence de vos Docteurs, par ceux qui m´ont instruite: si vous voulez, ou pour mieux dire si vous en puuez faire resoudre quelqu´vn à les debattre. Voicy ce qu´on m´a fait voir. Pour le premier sainct Paul, Ephesiens 4. parlant de l´Eglise de Dieu, dit au verset 4. Il n´y a qu´vn corps & qu´vn esprit  : & poursuiuant son discours iusques au II. I2. & I3. il dit, que Dieu a donc donné les vns Apostres, les autres Prophetes, les autres Euangelistes, & les autres Pasteurs & Docteurs, pour la consommation des Saincts, pour l´œuure du Ministere, pour l´edification du Corps de Christ, iusques à ce que nous - nous rencontrions tous en l´vnité de la Foy, & de la cognoissance du Fils de Dieu, & c.  En l´Epistre I. à Timothée chap. 3. il dit, que l´Eglise de Dieu viuant est colomne & firmament de verité . En sainct Mathieu 16. Iesus-Christ dict à sainct Pierre, Et ie te dis que tu es Pierre, & sur ceste pierre i´edifieray mon Eglise, & les portes d´enfer n´auront point de force à l´encontre d´elle  : Au chapitre 18. il dit, qui ne daigne escouter l´Eglise, qu´il soit tenu

 

[6] comme payen & peager  : Au chapitre 28. il dit à ses Apostres, Allez dōc, & endoctrinez toutes gens, baptisans au nom du Pere, du Fils & du sainct Esprit, & les enseignans de garder tout ce que ie vous ay commandé, & voicy ie suis auecques vous tousiours iusqu´à la fin du monde  : Tout le 17. de sainct Iean ne parle que du maintien & durée perpetuelle de ceste Eglise, & particulierement le verset II. dit, Pere sainct, garde-les en ton nom, ceux disie que tu m´as donnez, afin qu´ils soient vn ansi que nous  : Et pour fermer la bouche à ceux qui veulent dire qu´il ne parloit que pour les Apostres, il dit aux versets 20. 21. & 22. Or ne priay-ie point seulement pour eux, mais außi pour ceux qui croiront en moy par leur parole, afin que tous soient vn ainsi que toy Pere en moy, & moy en toy, afin qu´eux außi soient vn en nous, afin que le monde croye que tu m´as enuoyé ; ie leur ay außi donné la gloire que tu m´as donnée, afin qu´ils soient vn comme nous sommes vn . Par ces textes formels de l´Escriture Saincte, on m´a fait voir clairement & sans explication, ny c´est à dire comme font d´ordinaire les Ministres, que Iesus-Christ ayant dressé son Eglise, l´a laissée en charge aux Pasteurs qu´il y auoit establis : leur a donné tout le pouuoir que son Pere luy auoit donné, tant à eux qu´à leurs successeurs legitimes, & les asseure d´estre auec eux pour les conduire iusques à la fin du monde. De sorte que de presupposer vne interruptiō de cette Eglise, comme dit la Confession de Foy a  des pretenus, ny vne corruption comme ils ont corrigé aux dernieres impressions : cela ne se peut imaginer sans impieté, & faut croire necessairement que cette Eglise dure & durera tous-

 

[7] jours, aussi saincte & aussi pure qu´elle estoit lors qu´elle fut bastie, puis que le mesme Iesus-Christ & le mesme S. Esprit la conduisent. Or que cette Eglise soit celle qui porte le tiltre de Romaine, il n´y peut auoir nulle difficulté. Et voicy comment. Il n´y en a pas vne au monde qui pretēde seulemēt les choses qu´elle doit auoir necessairement par ces textes d´Escriture alleguez cydessus, hormis les Grecques & les Asiatiques : mais il est bien aisé de voir qu´elles ne les possedēt pas, car elles ne sont pas vnies entr´elles, & par consequent ne le sont pas auec Iesus-Christ. Le schisme les a diuisées, la pieté n´est plus auec elles, les miracles y ont cessé depuis leur diuision, & Dieu les a abandonnés à ses ennemis, en forte qu´elles gemissent sous la tyrannie des Othomans il y a plusieurs siecles : Ioint que si elles estoient dans la vraye religion, celle des pretendus ne vaudroit tousiours rien. Car contre son opinion elles croyent le sacrifice de la Messe, la reelle presence du Corps de Iesus-Christ au S. Sacremēt de l´Autel, la priere des SS. trespassez, le Purgatoire. & c. Et quāt à toutes les pretēduës, il n´y en a pas vne seule qui par ses propres maximes ne quitte nettemēt l´antiquité, puis qu´elles ne sont fondées que sur la pretenduë corruption ou interruption de l´ancienne Eglise, & que toutes leurs Confessions de Foy & les escrits de tous leurs reformateurs, disent clairement qu´ils ont dressé de nouueau leur Eglise, & que si l´on les presse de dire, où estoit donc cette Eglise qui deuoit durer iusques à la fin du monde? les vns disent qu´elle estoit inuisible, les autres qu´elle estoit cachée aux deserts, & les autres que c´est

 

[8] de l´Eglise Triomphante dont l´Escriture parle, & non de la Militante: Bref il n´y en a pas vn qui soit si effronté d´oser dire, que son Eglise a duré depuis Iesus Christ, qu´elle fait des miracles, & et qu´elle peut remettre les pechez, qui sōt troisapanages necessaires à la vray  Eglise, auec beaucoup d´autres encore. De sorte qu´il demeure tres-veritablement preuué, que la seule Eglise Romaine est l´ancienne, & par consequence necessaire la vraye, pure & saincte Eglise de Iesus-Christ.
Quant à la verité de ces fondements, elle est si euidente, qu´il faut estre aueugle volontaire pour les ignorer : Exemple des principaux sur lesquels on peut iuger tout le reste.
L´Eglise Romaine dit que nul particulier ne peut decider les poincts de controuerse, & qu´il appartient aux seuls Conciles de les iuger. Et conformément à cette doctrine, l´Escriture Saincte dit, que S. Paul & S. Barnabas estants en Antioche, ne voulurent iuger la question qui estoit entre les nouueaux Chrestiens, à sçauoir s´il faloit circoncir les Gentils qui se conuertissoient à la Foy, ou s´il suffisoit de les baptiser seulement. Et quoy que ces deux grands Apostres, pleins du S. Esprit, fussent sans nulle comparaison plus capables de decider vne question que tous les nouueaux reformateurs, si ne le voulurent-ils iamais entreprendre, ains monterent en Ierusalem,  & ayants conuoqué le Concile, firent iuger le different. L´Eglise Romaine dit, que le S. Esprit preside aux Conciles, & qu´iceux conuoquez deuëment, nous peuuent charger de loix & ordonnances à quoy nous sommes obligez de conscience : Et le mesme

 

[9] chap. I5 des Actes, verset 28. dit, Car il a semblé bon au S. Esprit & à nous, de ne mettre plus grande charge sur vous, que ces choses necessaires, & c .
L´Eglise Romaine dit qu´il faut croire la parole de Dieu, qui a esté laissée en depost par les Apostres à leurs Disciples, & que les Disciples ont consignées à d´autres fideles, par le moyen desquels elle est paruenuë iusques à nous. Et S. Paul à Timothée 2. chapitre I. verset I3. & I4. dit, Retien le vray patron des saines paroles que tu as euyes de moy, en foy & charité qui est en Iesus-Christ : Garde le bon depost par le S. Esprit qui habite en nous  : Et au chapitre 2. verset 2. Et ce que tu as ouy dire de moy entre plusieurs tesmoins, commets-le à gens fideles qui seront suffisants d´enseigner außi les autres , c´est ce qu´on nomme tradition.
L´Eglise Romaine dit qu´elle a pouuoir de remettre & retenir les pechez: Et Iesus Christ dit à ses Apostres en S. Iean 20. vers. 2I. Comme mon Pere m´a enuoyé, außi ie vous enuoye . Et quand il eust dit cela, il souffla sur eux & leur dit, Receuez le S. Esprit, à tous ceux ausquels vous remettrez les pechez, ils leur seront remis, & à quiconque vous les retiendrez, ils seront retenus.
L´Eglise Romaine dit qu´elle a pouuoir de faire miracles : Et Iesus-Christ dit en S. Marc I6. verset I5. I6. & I7. Alez par tout le monde, & preschez l´Euangile à tout creature : qui croira & sera baptisé sera sauué, mais qui ne croira point sera condamné : & ces signes suiuront ceux qui auront creu : en mon nom, ils ietteront hors les Diables, ils parleront nouueaux langages, ils chasseront les serpents : & s´ils boiuent quelque chose mortifer, il ne leur nuira point, ils mettront les mains sur les malades & seront guaris.

 

[10] L´Eglise Romaine dit que ce que Iesus-Christ donna à ses Apostres apres le dernier souper, en instituant le venerable Sacrement de l´Eucharistie, estoit son Corps : Et Iesus Christ en S. Iean 6. dit, Le pain que ie donneray c´est ma chair, pour la vie du monde : Et en S. Mathieu 26. Marc. 14. & Luc. 22. Il dit à ses Apostres, Prenez & mangez, ceci est mon Corps.
L´Eglise Romaine dit que le Mariage est Sacrement. Et S. Paul dit aux Ephesiens 5. verset 32. parlant du Mariage: Ce Sacrement est grand, dis-ie en Christ & l´Eglise , c´est suiuant l´ancienne version de S. Hierosme, que les Ministres mesmes approuuent.
L´Eglise Romaine dit qu´il faut confesser ses pechez. Et S. Iacques en l´Epistre Catholique, chapitre 5. verset I6. dit, Confessez donc vos fautes l´vn à l´autre, & c .
L´Eglise Romaine dit que s´il y a vn malade, il faut appeller les Prestres de l´Eglise, à fin qu´ils prient pour luy, & qu´ils l´oignent d´huile, au nom de Dieu, qui est le Sacrement d´extréme Onction : Et le mesme Apostre au mesme chapitre, versets 14. & 15. dit, Y a-il quelqu´vn d´entre vous malade, qu´il appelle les prestres de l´Eglise, & qu´ils prient pour luy, & qu´ils l´oignent d´huile au nom du Seigneur, & la priere de foy sauuera la malade, & le Seigneur l´allegera : & s´il a commis peché, il luy sera pardonné.
L´Eglise Romaine dit que l´homme est iustifié par œuures & non par la seule foy : Et le mesme Apostre en la mesme Epistre chapitre 2. verset 24. dit, Vous voyez donc que l´homme est iustifié [p]ar œuures & non seulement par foy.

 

[11] L´Eglise Romaine dit que les Saincts qui sont en Paradis, presentent les prieres & oraisons à Dieu pour nous, & que partant i lest vtile de les leur adresser. Et S. Iean en son Apocalypse dit au chapitre 5. verset 8. Les 4. Animaux & les 24. Anciens se iettent deuant l´Aigneau, ayant vn chacun des Harpes & des Phioles d´or pleines d´odeurs, qui sont les oraisons des Saincts.
L´Eglise Romaine dit qu´il faut prier pour les morts. Et la Saincte Escriture aux Machabées chapitre I2. dit, Que Iudas Machabée, ce grand Roy amy de Dieu, apres vne bataille, enuoya douze mille dragmes d´argent en Hierusalem, pour faire prier Dieu pour ceux qui estoient morts en cette bataille : & conclud que c´est chose bonne & saincte de prier pour les morts, pensant à la vraye Resurrection. Ie sçay bien que les Ministres diront que les Machabées sont apocriphes : mais S. Augustin, qu´ils font semblant de croire, ne le dit pas ainsi, & la priere pour les morts n´est pas inuentée, puis qu´il en a fait vn liure tout entier, & que tous les Peres des premiers siecles en on escrit : Ioint que le Purgatoire est clairement preuué par le 5. de S. Mathieu verset 26. où Iesus-Christ parlant de celuy qui n´ayant satisfait de bonne heure son prochain, sera mis en la prison, dit, Ie te dis en verité que tu ne sortiras point de là iusques à ce que tu ayes payé le dernier quatrain  : Ainsi l´explique Tertulien, au Liure de l´ame, chapitre 35. Mais particulierement les Disciples des deux grands Apostres, S. Pierre & S. Paul, qui sont S. Clement & S. Denys Areopagite, en parlent si clairement, qu´il n´y a rien à dire apres cela. Car S. Clement au 8.

 

[12] liure des Constitutions, chapitre 47. dit, Prions pour celuy qui repose en Iesus-Christ, à ce que Dieu benin, qui a retiré son ame, luy pardonne tout peché volontaire & non volontaire : & luy estant fait propice, le colloque en la region des iustes & bien-heureux, & c. Et S. Denys Areopagite dit au Liure de la Hierarchie Ecclesiastique, chapitre 7. S´approchant le Prelat venerable, il accomplist la sacrée priere sur le trespassé ; Cette Oraison supplie la diuine clemence de pardonner au defunct tous les pechez qu´il a commis par humaine infirmité, & qu´il le constituë en la lumiere & region des viuants.
Voila les fondements de l´Eglise Romaine, tirés des purs & formels textes de la saincte Escriture, confirmés par tous les venerables Peres de l´antiquité, qu´on m´a fait voir, & que ie vous rapporterois, si ie ne craignois de faire vn liure au lieu d´vne lettre : mais les fondements de la reformation sont tirés de la ceruelle de trois ou quatre moines reniez, qui faisoient accroire qu´ils ne parloient que par l´Escriture, & neantmoins il n´y en a pas vn mot: Ie le dis hardiment, pource que i´ay veu graces à Dieu de mes propres yeux, qu´en tout ce qu´ils essayent de ruyner en l´Eglise Romaine, ou de bastir en la leur, il n´y a pas vn seul texte d´Escriture Saincte qui parle pour eux.
En tous ceux qu´ils cottent en leurs liures, & sur tout en leur Confession de Foy, sont meschamment & faussement allequez: Par exemple, ils disent que toute la saincte Escriture est comprise és liures qu´ils denombrent en l´article 3. de leur Confession de Foy, dans lequel denombrement ils obmettent Tobie, Iudith, l´Ec-

 

[13] clesiastique, les Machabées, & c. qu´ils nomment apocriphes : & neantmoins ne cottent, ny ne sçauroient cotter vn seul passage de la saincte Escriture qui en excluë ces liures. Ils disent en l´article 4. qu´ils cognoissent ces liures estre la regle de salut, par vne interieure inspiration du S. Esprit, qui les leur fait discerner des autres liures, & non par le commun accord & consentement de l´Eglise, & cottent pour preuue, le Psalme 12. Qui n´en parle pas vn mot: au contraire, S. Pierre en son Epistre 2. chapitre I. verset 20. dit, Que nulle prophetie de l´Escriture est par particuliere exposition :  Et au chapitre 3. verset I6. parlant des Epistres de S. Paul, il dit, Comme celuy qui en toutes ses Epistres parle de ces poincts, entre lesquels il y a quelque choses difficiles à entendre, que les ignorants & mal assurez corrompent, comme außi les autres Escritures, à leur propre perdition . En l´article II. ils disent que le peché originel demeure aux enfans quant à la coulpe apres le baptesme, & neantmoins les passages qu´ils cottent à la marge n´en disent pas vn mot. Ils disent en l´article 20. que nous sommes faits participans de la Iustice par la seule Foy. Et pour le preuer, ils ont adiousté le mot de seule au verset 28. du 3. chapitre de l´Epistre aux Romains. Ils disent au 22. article de ladite Confession, que les bonnes œuvres ne viennent point en compte, quoy que produites par la conduite du S. Esprit, & ne le preuuent que de leur teste fole, au lieu de texte de saincte Escriture : Au contraire S. Iacques cy-deuant allegué preuue que les bonnes œuures seruent à la iustification, en sorte que sans elles la foy seroit morte & sans effect. Ils disent

 

[14] en l´article 24. que Iesus-Christ nous est donné pour seul aduocat, & le texte qu´ils alleguent pour le preuuer, ne parle de seul, ny d´aduocat, à sçauoir le verset 5. du chapitre 2. de la I. à Timothée, il est vray qu´ils ont adiousté le mot de seul, en leurs dernieres impressions. Ils disent en l´article 3I. que Dieu a suscité des gens d´vne façon extraordinaire pour dresser l´Eglise de nouueau, qui estoit en ruyne & desolation, & que son cours estoit interrompu : & neantmoins les textes qu´ils cottent en la marge n´en disent pas vn mot, ains au contraire, c´est destruire tous ceux alleguez cy-deuant au premier point de ma lettre. Bref, ils disent en l´article 36. que le Corps de Iesus-Christ est celeste, & que partant il ne peut estre apprehendé que par Foy : Et les passages alleguez par eux, ne disent pas vn mot de celeste ny de foy, ains au contraire tous tesmoignent clairement que nous mangeons le corps & beuuons le sang vrayement, ce que eux mesmes confessent en l´article 37. & au Dimanche 52. du Catechisme.
Voila quelle difference on m´a fait au fondement des deux Eglises, à sçauoir que la Romaine est fondée sur la pure Escriture, & la Pretenduë sur les c´est à dire, ou cela s´entend des Ministres. Reste à voir pour le dernier poinct, à quoy l´vne & l´autre nous conduit par ses maximes.
L´Eglise Romaine nous conduit à la pieté, à la vertu, & à la perfection, par tout les meilleurs moyens qui peuuent estre imaginez : en voicy les raisons. Il n´y a rien au monde qui meuue si puissamment les ames que la crainte du mal &

 

[15] l´esperance du bien, or l´vn & l´autre sont proposez en eschange de toutes les actions de la vie par l´Eglise Romaine ; De sorte qu´il faut estre insēsible à tous les deux pour n´en estre esmeu: ie dis qu´elle propose le biē ou le mal, pour recomse, ou pour punition de toutes nos œuures, puis qu´elle enseigne, conformément à la doctrine de Iesus-Christ, que nous ne donnons pas vn verre d´eau froide au nom de Dieu, qui ne nous soit remuneré, & qu´elle dit auec S. Iacques, que nous ne sommes pas iustifiez par la seule Foy, mais que les bonnes œuures sont encore necessaires. Cōme aussi elle nous enseigne que nous ne faison pas vn seul peché dont il ne faille faire penitence en ce monde ou en l´autre, & ce conformément à ce que Iesus-Christ dit en Sainct Mathieu 25. versets 34. 35. 36. & 41. 42. 43. Par lesquels apparoist tres clairement, que le Paradis est la recompense des bonnes œuures, & l´Enfer la punition des mauuaises. Or tout au contraire, les Pretendus reformez enseignent, article I2. de leur Confession de Foy, que sans nulle consideration de bonnes au mauuaises œuures, Dieu a de toute eternité choisi ceux qui doiuent estre sauuez, & les retirant seuls du peché originel, il laisse les autres dans la condemnation d´où iuamais ils ne peuuent sortir: de sorte que les bonnes œuures sont entierement inutiles à salut, ansi qu´ils enseignent encore en l´article 22. Que s´il est vray comme ils disent en l´article 9. que l´homme a perdu par le peché originel toute integrité, sans en auoir rien de residu, & que sa volonté est du tout captiue sous peché : il s´ensuit aussi qu´il n´est nullement coulpable des pechez actuels

 

[16] qu´il commet durant sa vie, attendu qu´ils luy sont ineuitables: & par consequent, l´Enfer n´est pas la punition de ces pechez, où Dieu feroit vne iniustice notable de nous punir de ce que nous auons fait par vne Loy de necessité, qui nous est imposée auant nostre naissance. Iugez s´il y a rien au monde plus capable de nous porter au libertinage & voire à l´impieté, de croire que les bonnes œuures ne seront iamais recompensées, ny les mauuaises punies: & que de tout eternité les sauuez & les condamnez sont choisis, & desja iugez en dernier ressort, sans qu´il y puisse [?]  auoir changement ny moderation en l´Arre[…] .
Quant à moy i´ay treuué cette doctrine [...]  estrange, & sa suitte si pernicieuse, qu´encore que tout le reste de la pretenduë reformatiō fust aussi bon qu´il est mauuais ; cela seul me l´eust fait quitter infailliblement. Voila donc vne partie de ce qu´on m´a fait voir en mon instruction, à quoy i´adiousteray pour finir ma lettre, vne tre-sardéte supplication que ie vous fais au nom de Dieu, de vouloir lire, & relire auec l´esprit de douceur, serieusement ces raisons, & vous donner le loisir de les voir soustenir en vostre presence, à quelqu´vn de ceux qui me les ont apprises. Et ie m´ose tant promettre de la bonté de Dieu, qu´au lieu de me blasmer apres de ce que i´ay fait, vous en ferez de mesme asseurément, & mettant nos esprits & nostre famille en repos, y ferez descendre la benediction & la paix du Ciel. Dieu vous en face la grace, & à moy celle de vous pouuoir tesmoigner par toutes les actions de ma vie, combien fidelement ie suis.

 

F I N.